Centrale de Cordemais : Lettre aux députés

Je souhaite attirer votre attention sur la menace de fermeture de la centrale de Cordemais avec le projet de surtaxe envisagé par la ministre Ségolène Royal dans le cadre de la loi de finance 2017.

Aussi, je vous demande d’intervenir auprès du Gouvernement pour abandonner ce projet et, si ce n’est pas le cas, de voter contre lors des votes qui auront lieu au cours de l’examen de la loi de finance pour 2017.

À cette fin, voici, ci-après, quelques éléments, qui, je l’espère, contribueront à éclairer la dangerosité de cette disposition pour le département et les régions Bretagne et Pays-de-la- Loire, pour l’emploi, pour son incohérence et, pour le moins, son inefficacité écologique.

Le Président de la République avait annoncé lors de conférence environnementale qu’un prix plancher du carbone serait mis en place en janvier 2017. La Ministre de l’environnement avait précisé que cela permettrait de pénaliser les dernières centrales à charbon françaises.

Bizarrement, un rapport produit par Pascal Canfin (ancien ministre, directeur de WWF France), Alain Grandjean (économiste) et Gérard Mestrallet (Président d’ENGIE) préconise d’en exonérer les centrales à gaz et de s’en tenir au chardon (cf proposition 7 du rapport).

Ensuite, la Ministre de l’environnement et Présidente de la COP21, Ségolène Royal, a annoncé : « Concernant le prix plancher du carbone sur le secteur électrique Français annoncé par le Président de la République (…) je retiens la proposition du rapport de le concentrer sur les centrales charbon ».
Surprenante décision !

Elle est discriminante en France, elle est aussi discriminante pour la France par rapport aux autres pays européens, puisque cette décision franco-française n’est évidemment pas envisagée dans les autres pays dont on sait qu’ils ne pénaliseront pas, eux, leur économie dépendant du charbon. 
 
Cette mesure n’aura donc aucun effet d’entraînement.

Par contre, elle va faire disparaître les 5 dernières centrales à charbon françaises, sans que n’aient été envisagées les solutions pour réduire les émissions de CO² sur ces sites, avec toutes les conséquences aux plans économique, social et environnemental.

Une nouvelle fois les effets d’annonce ont précédé la réflexion et la prise en compte des conséquences de ces décisions.

C’est en fait notre pays, dont les centrales polluent le moins, qui va sacrifier ses emplois, sa recherche et une part non négligeable de l’économie.

À ce stade, il n’est pas inutile de rappeler quelques chiffres sur les émissions de CO² par la production d’électricité thermique en Europe :

France 37 millions de tonnes de CO² (MT CO²)
Allemagne 282 MT CO² 
Espagne 88 MT CO²
Italie 111 MT CO²
Pologne 111 MT CO²
Royaume-Uni 166 MT CO²

Les régions Pays-de-la-Loire et Bretagne ne produisent que 20 % de l’électricité qu’elles consomment.

En 2015, l’évolution de la consommation en France a été de +0,5 % (dans une période de crise économique). Elle a été de +1 % en Pays de la Loire.

Les deux régions Bretagne et Pays-de-la-Loire vont respectivement gagner de 600 000 à 1 million d’habitants d’ici 2040 et on sait que ni le gaz (même en doublant la production), ni les énergies renouvelables ne pourront compenser ce que produit Cordemais.

La décision de fermer prématurément les 2 tranches au fioul de Cordemais pour 2018 au lieu de 2023, sans alternative sur le site, est déjà une mauvaise nouvelle. Elle va entraîner la suppression de plusieurs dizaines d’emplois.

Cordemais, c’est 600 salariés sur le site (450 EDF et 150 sous-traitants ou prestataires permanents) et avec les emplois induits, ce cela représente 2 000 salariés.

Les 2 tranches charbon génèrent un flux portuaire de 1,5 à 2 millions de tonnes de charbon par an pour le Grand Port Maritime.

Cordemais valorise 100 % des produits de brûlage qu’elle génère et, en particulier, le gypse et des cendres volatiles qui servent à la fabrication du ciment dont la plus grande partie alimente l’usine Lafarge à Saint Pierre la Cour en Mayenne.

Or, voilà. Si la taxe à 30€ la tonne est mise en place en janvier 2017, doublant ainsi les coûts de production, la centrale de Cordemais sera reléguée exclusivement à la couverture des pointes de consommation, passant à 500 heures de fonctionnement par an au lieu de près de 6 000 heures aujourd’hui.

Elle sera en situation de fermeture, elle ne jouera plus le rôle stratégique qu’elle a aujourd’hui dans l’estuaire et plus largement dans l’ouest, aussi bien en termes de production de base ou de sécurité énergétique qu’au plan économique.

Les nouveaux efforts de réduction de CO² entrepris début 2016 avec l’expérimentation consistant à mélanger avec le charbon des galets de sciure lyophilisée, qui se sont révélés très concluants, seront tués dans l’oeuf. Les projets d’évolution et d’innovations sur le site ne pourront pas être menés à bien.

Les travaux de mise aux normes et de rénovation des 2 tranches charbon vont se terminer fin 2016. Ils ont représenté 350 millions d’euros.

Tout ça pour fermer la centrale ?

Et ensuite ? On fera appel à de l’électricité produite avec du charbon en Allemagne, en Espagne ou en Italie ? Je vous renvoie aux niveaux de production de CO² cités plus haut.

Cela serait aussi un nouveau coup porté au Grand Port Maritime déjà très lourdement pénalisé par les désengagements régaliens successifs de l’État sur le dragage (de près de 13 millions d’euros avant 2014, il verse moins de 9 millions d’euros au Port en 2016). Pénalisé aussi et paradoxalement par le mauvais contrat gaz du terminal méthanier qui se termine à la fin du mois et par lequel ELENGY (filiale ENGIE) prive le Port de plusieurs millions d’euros par an depuis 5 ou 6 ans.

Saint Pierre la Cour fera venir l’essentiel de ses matières premières (gypse et cendres volatiles) de l’étranger ? Et probablement par camions, à moins que, là aussi, l’augmentation des coûts de production liée à cette nouvelle situation préfigure une nouvelle délocalisation de l’usine et donc des emplois.

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés, les élus communistes et républicains sont favorables à la transition énergétique dans une logique de diversité des modes de production et à condition qu’elle apporte un plus au territoire et aux populations qui y vivent.

Cela ne peut en aucun cas être synonyme de destruction des atouts industriels, économiques et sociaux de la région et, à plus forte raison quand, au bout du compte, cela de règle en rien en terme d’écologie voire aggrave encore la situation.

C’est pourquoi, Monsieur le député, les élus communistes et républicains de Loire- Atlantique vous demandent d’intervenir auprès du Gouvernement pour qu’il renonce à cette décision unilatérale, discriminatoire, destructrice pour le territoire, sa population et écologiquement inefficace.

Si le Gouvernement et la ministre s’entêtent sur ce sujet, nous vous demandons de voter contre cette disposition aux étapes décisives de la discussion sur la loi de finances 2017.

Vous comprendrez, devant l’importance de cette question, que j’envisage après que vous l’ayez reçu, de rendre ce courrier public ainsi que les réponses que je recevrai.

Comptant sur votre détermination à défendre le territoire et les emplois.

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